mercredi, mai 25, 2005

Départ Absolu

Ave Europa, morituri te salutant.
Je suis un partisan du oui et je dois avouer qu’après avoir bataillé bec et ongles avec des partisans du non, avoir vu nombre d’émissions, lu pléthore journaux et commentaires sur internet d’utilisateurs du web plus ou moins avisés je me désespère de voir le oui passer. Ce à quoi s’ajoutent les sondages qui n’augurent rien de bon. Bref c’est la panade.
J’aurais souhaité m’exprimer avant sur le blog (tout du moins) mais étant en période d’examens je n’ai pu saisir mon clavier en temps utile. Ce sont maintenant 4 jours qui nous séparent du référendum fatidique et je dois avouer que mes craintes sont exacerbées et mes nerfs à fleur de peau: autant à cause des partiels que des tenants du non qui excellent dans l’art d’inventer n’importe quoi pour effrayer le bon peuple.
Attention ! Qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions, je ne suis pas là pour casser du noniste. En effet, beaucoup d’entre eux ont des raisons qui leurs sont propres, qui tiennent la route et autant sont de bonne foi; néanmoins le reste se démarque par une capacité rare à sortir des propos qui relèvent de la science-fiction et qui seront –je l’espère- caricaturés (à juste titre) dans quelques temps.

L’arme que j’ai au bout d’une feuille de papier n’est pas la promesse de lendemains qui chantent ni l’assurance contre une Europe fédérale dans les 3 mois qui suivent ou une invasion de plombiers polonais (d’ailleurs arrêtons avec cette fixation, les polonais ont eux aussi des moyens d’information et je ne suis pas sûr que leur assimilation systématique à des manutentionnaires soit pour leur ravir. C’est un préjugé tenace qui révèle bien le fond de racisme qui sommeille en chacun. C’est comme si l’on généralisait avec les portugais et les italiens en les associant respectivement à des concierges et des maçons).

C’est le résumé de la conférence que nous a fait l’illustre Olivier Duhamel dans notre faculté de Droit. Celui-ci, chantre du socialisme, professeur de Droit Public et à ses heures perdues, tête pensante du droit constitutionnel contemporain ainsi que chroniqueur sur France Culture. En résumé c’est loin d’être une bille.

Voici la constitution (très) résumée de manière purement factuelle:

Partie I
· Libre concurrence, qui na pas été instituée par les méchants du MEDEF et de l’UMP mais par le Traité de Rome qui date de 1950 (merci de revoir vos cours d’histoire).
· Développement durable, si vous aimez voir la planète partir en brioche, votez non. Avec les Etats-Unis et contre le protocole de Kyoto, marchons vers un avenir enfumé, radioactif et sans biodiversité !
· Non-discrimination. Tu détestes tout ce qui est différent? Méfie-toi ! L’étranger est déjà à ta porte, prêt à t’égorger, à piquer ton job et transformer en squat pour une famille de 12 ton pavillon alors rallie-toi à de Villiers et le Pen.
· Economie sociale de marché, prenez un dictionnaire d’économie vous verrez à quoi ressemble un bouquin et que quand on lit le livre, on peut s’apercevoir que ce qui paraît abominable, avec la fin de la phrase ça va déjà beaucoup mieux. (petit coucou aux tracts fallacieux du PCF).

Les trois derniers points sont des objectifs nouveaux.

Les compétences sont bien mieux réparties, avec des compétences de droit commun pour les Etats-membre (l’ensemble de ce que peut avoir comme domaine d’action une entité normative sans les domaines d’attribution), des compétences exclusives pour l’Union Européenne et –partie la plus importante- les compétences partagées où le principe de subsidiarité joue, c’est-à-dire que l’Union ou les Etats agissent selon lequel est le plus indiqué pour remplir l’objectif. Donc si l’Union peut bénéficier de plus de moyen pour atteindre un objectif c’est elle qui agira au lieu d’un Etat seul et vice versa.

Pour ce qui est de la politique économique et sociale, celle de la défense et enfin celle de la politique elles sont mises à part, à savoir restent sous l’entier contrôle des Etats donc rassurez-vous, la casse sociale c’est uniquement si vous votez pour un certain parti qui a fait ses preuves pendant 5 ans ou si vous n’allez pas voter en 2007 en laissant entrer le loup dans la bergerie (remember 2002).

En plus de ce pré carré des Etats, des mesures d’appui sont possibles, à la demande des Etats, pour la politique d’éducation, de santé, etc., de la part de l’Union Européenne qui pourra apporter des plus ou faire bénéficier les pays de ses moyens plus importants à tous les plans.

La partie I contient également la définition des institutions:
- un président du Conseil Européen à plein temps, ce qui change de la rotation tous les 6 mois de la présidence avec à chaque fois un chef d’Etat ou de gouvernement qui ne fera avancer que ses dossiers.
- un ministre des Affaires Etrangères de l’Union qui nous permettra enfin d’avoir une voix sur le plan international sans pour autant nous engager dans une guerre ou un conflit quelconque si nous ne le voulons pas.
- le Parlement qui devient co-législateur dans 90% des cas avec le Conseil des Ministres/de l’Union (également pour les parlements nationaux d’informer ou d’alerter ces derniers ou de les empêcher de légiférer dans un domaine ne relevant pas de leur compétence en saisissant la Cour de Justice des Communautés Européennes)
- le droit d’initiative européen qui est une première européenne (au moins) et qui permet à des ressortissants de l’Union (vous et moi) de saisir le Parlement Européen sur quelque chose qui nous fait tiquer ou pour faire adopter une loi. Alors si vous doutez de l’orientation que va prendre l’Europe ou si vous vous méfiez du grand méchant bureaucrate vous pourrez toujours avoir votre mot à dire (avis à tous ceux qui sont avides de pétition, mouvements de foule et autres réécritures de la Constitution dans la rue).

Partie II
La charte des Droits Fondamentaux qui n’avaient pas été intégré dans le Traité de Nice et qui n’avait donc pas de valeur juridique pour la CJCE. En clair l’Europe se dote d’une DDHC en mieux et applicable à tous, conclusion: vous n’aimez pas les droits de l’homme, passez votre chemin.

Partie III
Avant de relater ce que nous a dit M. Duhamel je souhaiterai préciser que ce n’est pas l’enjeu du débat et tous ceux qui tergiversent sur cette partie se mettent le doigt dans l’œil, ergotent sur quelque chose existant déjà (puisque c’est l’ensemble des traités déjà existants) d’ailleurs les modifications ne sont pas apocalyptiques (voir le tableau du Sénat sur les changements par rapport aux textes originels), de plus quand on entend des gens vouloir un traité constitutionnel sans la partie III, c’est vouloir un traité pour l’Europe mais sans les 55ans de construction européenne qui nous précède et que nous avons accepté (si vous étiez trop jeunes, fallait pas naître aussi tard et si vous étiez en âge de voter, fallait pas voter pour les représentants politiques de l’époque -> Fabius). En effet l’objet du litige abrogera tous les traités précédemment conclus et ratifiés.
Le vrai débat n’est donc pas tout ce qui est contenu d’économique dans cette partie mais la partie I et II, à savoir oui ou non un transfert supplémentaire de souveraineté. Mais ça bien entendu ce serait se mettre sur le même plan que le Pen et mon Dieu! Tout sauf passer pour un extrémiste dans un monde où le politiquement correct formate plus rapidement nos propos que les phrases choc de Raffarin.

Je reviens sur l’intervention de notre conférencier:
Ce sont donc les traités déjà existant mais modifiés, allégés, simplifiés, adaptés et améliorés. A noter pour tous ceux qui hurlent au loup: une clause sociale transversale pour toutes les politiques européennes quelle qu’elles soient à lire à l’article 117 de ladite partie. Et si vous avez 2mn en plus de celles que vous a pris la lecture de cet article vous pourrez lire l’ensemble du Titre I (une demi page A4) où l’on indique que toute politique prévue par la partie III passera par des filtres écologiques, sociaux, paritaires, etc. Que demander de plus ?

Partie IV
Les dispositions générales et finales qui sont des appendices sans grande importance pour notre vie de tous les jours et pour notre avenir d’honnête salarié qui n’est ni raciste ni homophobe mais quand même…
Si ce n’est l’article 443 qui prévoit la révision dudit traité et l’on s’aperçoit -si on prend 2 minutes supplémentaires pour finir sa lecture aux toilettes- que le traité est dans un marbre digne des pays de l’est (pour rester dans les stéréotypes - qui sont si chers à nos cœurs et à nos esprits chauvins quoiqu’on en dise- sur la mauvaise qualité de tout ce qui n’est pas de chez nous). En effet la révision se fait par consensus d’une commission réunissant des représentants des Parlements nationaux, des chefs d’Etat et de gouvernement, du Parlement Européen et de la Commission Européenne après avis de ces deux dernières institutions européennes et sur décision du Conseil européen (à savoir les chefs d’Etat et de gouvernement de tous les Etats-membre).

Conclusion de O. Duhamel: cette constitution ne sera pas reprise avant longtemps (exit les plans B de tout poil); souverainistes et nationalistes courez voter non sinon il en sera fini de vos aspirations à rester entre vous avec du pur sang bien français; les moyens institutionnels plus démocratiques, plus simples, la Charte des Droits Fondamentaux et l’Europe politique: perdu !
Les facilités de révision donnent plus de vitalité dans la vie politique et la jurisprudence des organes judicaires européens permettra une modification de la constitution par action.
Nous aurons enfin des outils constitutionnels pour agir sur la scène internationale au lieu de faire de grandes déclarations d’intention.
Une Europe politique en marche cela signifie la tempérance du libéralisme
car sinon, en revenant au traité de Nice, nous ne serons qu’un vaste marché commun pendant encore longtemps.
Faits rapportés par notre orateur:
- retrait des troupes polonaises et hongroises après le début de l’Irak = 1 an et demi / temps pour que l’Allemagne contredise les USA = 50 ans… (a qui la faute ?)
- France 1ère exportatrice de services publics en Europe et en 4e dans le monde => le libéralisme nous profite.


Conclusion de moi: comme vous l’avez remarqué j’y suis toujours allé de mon commentaire mais tout ce qui a été dit par cet homme est en gras, vous pourrez ainsi distinguer le bon grain de l’ivraie.
Si vous voulez que la Suisse et les USA se foutent de notre gueule votez non. Si vous voulez laisser continuer les faucons à jouer au con (merci, merci) votez non. Si vous voulez paraître schizophrène aux yeux des 10 nouveaux votez non (dixit le rédacteur en chef du "Monde" polonais). Si vous n’aimez pas la partie III et que vous voulez enfin apporter de la finesse dans ce monde de brutes (je ne citerais pas la marque qui m’est chère) alors soit vous votez oui pour tempérer tout ça avec à chaque fois un tamis social et écologique (pour ne parler que de ceux-là) soit vous votez non et vous ne gardez que…la partie III !
Pour ceux qui mélangent les torchons et les serviettes, la Turquie n’a aucune place dans le débat sur le TECE et si vous continuez à douter ou penser qu’ils vont entrer malgré tout, c’est au Parlement d’autoriser l’entrée de la Turquie dans l’UE.
Moralité: votez oui, c’est que du bonheur (excusez-moi, un relent au goût âpre) et votez en votre âme et conscience aux élections législatives européennes pour donner le sens que vous souhaitez au texte dont nous venons de parler qui n’est, finalement, qu’un ensemble d’outils nous permettant de faire des choses dont nous aurons, nous citoyens, le contrôle total et dont nous serons les moteurs (indirectement). Mais n’oubliez pas les élections nationales car le Conseil Européen a une grosse place en impulsant et donnant la direction à la politique de l’Union.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout, à bientôt.